bb lion fire is burning - ariel

Ses doigts glissent entre les poils trop longs du chaton. Ses ronrons résonnent comme autant d'appels à la sérénité. Ariel ne se sent pas concerné : les cris fusent au loin et il ne parvient pas à les ignorer. Mama et Papa sont au téléphone, chose assez rare pour être remarquée. Elle jure en espagnol et il le devine hurler de l'autre côté du combiné. Elle demande sa pension mensuelle, promet une poursuite en justice, injurie celui qu'elle a dû aimer rien qu'un peu. Dans ces moments-là, Mama n'est plus si pieuse et respectable. Sa langue brûle d'horreurs et les prières sont oubliées. Ariel, il connaît ces deux visages. Il ne saurait dire lequel il préfère. De toute façon, il n'aime pas vraiment Mama. Et il ne connaît pas non plus Papa.

Le chaton, il l'a appelé Chaton. Il dort doucement sur ses genoux et il a pris du volume. Combien d'années ont passé ? Cinq ou six. Ariel a déjà neuf ans. Il vit dans cette famille d'accueil depuis qu'il est entré à l'école. Miguel, il jure parfois en espagnol, comme Mama. Mais Miguel, il sourit aussi, il caresse les cheveux d'Ariel. Il lui répète souvent qu'il est adorable. Il lui apprend à bidouiller sa grosse voiture, à jouer de la guitare. Oui, Miguel est parfois vulgaire. Malgré tout, Ariel l'aime beaucoup. Il aime aussi Baba, qui fait toujours de bons repas et qui n'oublie jamais Chaton dans ses quantités. En fait, il aime tout le monde ici. Il se sent bien et il se surprend à ne jamais vraiment perdre son sourire. En plus, Miguel et Baba sont toujours d'accord pour recevoir Marley.

Marley et Ariel, ils se sont connus alors qu'ils coloriaient en dehors des traits. Lui en rouge, elle en vert. Et puis, ils s'étaient échangé leurs dessins pour rajouter du vert et du rouge là où il en manquait. L'année d'après, ils jouaient à celui qui faisait la sieste la plus longue – égalité parfaite, quelques cinquante étoiles en attestaient sous une table de l'école maternelle – et se juraient de passer le reste de leur vie ensemble. L'école primaire, toujours dans la même classe de cet établissement trop bourge pour Ariel. A réciter les tables d'addition en dévorant des dragibus piqués à la boulangerie d'à côté. A aller voir les premiers films d'Harry Potter à deux et à serrer les dents devant la famille poilue d'Aragog. A s'inventer un alphabet secret pour se faire passer tous les messages du monde sans que jamais personne ne puisse les lire. Une amitié dure comme du béton. Une amitié que les adultes ne voyait pourtant pas se poursuivre. Trop de différence entre eux. Ils finiront par se lasser, Marley préférer le confort de sa bourgeoise condition, Ariel à tourner mal comme tous les gamins de foyer. Les années prouveront que ces langues de vipères avaient tort.

Treize ans, Ariel doit quitter Baba et Miguel. Il n'a pas envie, bien sûr. Mais c'est là la dure loi des foyers. L'adolescent peut se gérer, que l'on dit. Alors, on le place dans une chambre qu'il partage avec un ou deux autres de son âge. On lui donne des responsabilités, on l'invite à faire des choix pour sa vie. Et la famille d'accueil, elle, reçoit un autre môme à élever. Une usine de laquelle, finalement, Baba et Miguel ont préféré démissionner. Chaton est resté à leurs côtés. Et Ariel dans une partie de leurs énormes cœurs. Porte toujours ouverte, sur ces mots prononcés à travers les larmes derrière la grosse moustache de Miguel : « Tu sais gamin, il restera toujours une voiture à améliorer pour toi, ici. Ou un sourire à rendre sur un air de guitare, selon ton envie. » Une promesse toujours respectée, une famille qu'Ariel n'aura jamais trahie.

Au collège, les années passent et ne se ressemblent pas. Skate sous le pied, violoncelle sous les doigts, toujours Marley à ses côtés. Ariel sait ignorer les cris, désormais. Il sait aussi les parer, les renvoyer d'un coup de main pour ne garder que les auréoles de bonheur. Il sait aussi l'offrir, à qui voudra bien accepter ce délicat présent. C'est un rayon de soleil qui a oublié les disputes téléphoniques. C'est un adolescent un peu normal, un peu débile, un peu trop heureux parfois. C'est un gamin de quinze ans qui embrasse pour la première fois, qui sent dans son ventre les premières pulsions incontrôlables. C'est un gamin qui monte, marche après marche, le long escalier de la découverte du tout. De la vie, dans ses rudesses et ses allégresses. Marley n'est jamais loin, à portée de main. Ils se tirent vers le haut, ils tiennent leur promesse de mômes. Et ils ressortent leurs dessins de rouge et de vert où les contours n'existent pas.

Citation :

il sait parler anglais (normal) et espagnol couramment. + il a clairement peur de la religion et des extrêmes auxquels elle peut conduire. + il a rencontré son père une fois, autour d'un café. il a eu l'impression de n'avoir jamais croisé quelqu'un d'aussi antipathique. + il joue de la guitare depuis qu'il a sept ans et du violoncelle depuis ses onze ans. + il a trouvé son premier skate dans la rue, près d'un abri bus. + il ne voit sa mère qu'une fois par mois à tout casser, moment qu'il redoute toujours un peu. + il a une mémoire incroyable pour les blagues, bien plus que pour les tables de multiplication. + il cache son argent sous une dalle de carrelage sous son lit. + il ne tombe presque jamais malade mais est allergique aux arachides. + amoureux des chats, il aimerait retrouver un chaton pour le rappeler chaton, bien sûr. + dans son appartement, il a le strict minimum. dont, une boîte dans laquelle il entasse tous les souvenirs qu'il ne veut pas oublier. + il est serveur au habano depuis qu'il a dix-sept ans. + il ne supporte que le rhum et la tequila, question d'habitude. +