le paradis dans tes yeux. (spencer ♥)

J'ai envie de l'appeler. Le téléphone portable est encore toujours sagement rangé dans sa poche, mais Kieran en a douloureusement conscience, tout à coup. Il lui a suffi d'une simple pensée, juste un prénom qui a traversé sa mémoire, et le jeune homme a tout à coup pris conscience que cela faisait un peu trop longtemps que lui et le porteur de ce prénom ne s'étaient pas vus. Levant les yeux vers l'horloge qui trône au mur du bar, il soupire en constatant qu'il lui reste encore une bonne demi-heure avant de finir son service. Demander à ses collègues de le remplacer, juste pour qu'il puisse téléphoner à un amoureux avec qui il n'est officiellement pas en couple, lui poserait problème. Ce prénom ne devrait pas franchir le seuil de ses lèvres aussi facilement ; pas alors que Kieran est censé être célibataire, et que tout le monde le considère comme tel. Il soupire, se concentrant donc sur sa tâche du mieux qu'il le peut. Mais tout de même. Il faut qu'il appelle le dénommé Spencer.

Les minutes passent et s'égrènent lentement, paraissant être des heures aux yeux du jeune homme. Enfin, l'heure fatidique arrive, et saluant ses collègues, il passe dans l'arrière-boutique pour se changer. Il est habillé très simplement, juste un jean et un T-shirt d'un blanc immaculé, qu'il préfère ne pas garder quand il travaille par peur de le tâcher. Il repasse au comptoir, salue les filles qui se trouvent derrière en leur souhaitant bonne chance, et quitte la boutique. L'envie d'appeler Spencer est forte, mais en pleine rue, il hésite. Son bien aimé serait capable de lui en faire la remarque, de ne pas apprécier un appel dans un lieu aussi public. Alors, comme toujours, il s'astreint à la patience. Il en a bien besoin, après tout ; c'est pour lui une véritable torture de ne pas pouvoir être à ses côtés quand il le désire. Avisant une rue quasiment déserte - juste un couple en train de marcher tranquillement, se tenant la main, geste qui ne peut qu'éveiller un peu la jalousie de Kieran -, il s'y engouffre et s'adosse au mur d'une boutique d'antiquités, où il ne semble y avoir personne, pas même le vendeur, alors que celle-ci est officiellement ouverte. Kieran sort enfin son portable de sa poche, respire un bon coup. Puis lance son appel - Spencer est le premier contact de sa liste. Il espère que celui-ci n'est pas occupé, qu'il ne se trouve pas en compagnie de certaines personnes qui ne sont pas au courant de leur relation - et son père en premier lieu. Heureusement pour Kieran, cependant, Spencer décroche assez vite. « Spence ? je peux passer chez toi ce soir ? » Il pourrait y avoir tant de raisons pour lesquelles Spencer pourrait dire non. Spencer vit dans les apparences ; et officiellement, ce n'est pas avec lui qu'il est en couple, mais avec Phoebe. Il n'aurait aucune raison de privilégier un simple ami par rapport à sa « copine ». Toutefois, Kieran espère. C'est tout ce qu'il arrive à faire, désormais. Même s'il n'aime pas cela. Il a parfois l'impression d'être le seul à qui cela coûte. Le seul qui doive attendre, et se faire une raison. Peut-être le seul à être vraiment seul, par moments. Mais Spencer est libre ce soir, alors cela suffit à Kieran. Pour le moment. Ce soir, il ne compte pas se prendre la tête. La dernière chose dont il a envie, c'est de se disputer avec Spencer.

Il est presque huit heures quand Kieran sonne à la porte de l'appartement de son homme. Après hésitation, il a tout de même décidé de se changer, optant pour un débardeur un peu plus sophistiqué que son simple T-shirt blanc. La porte s'ouvre sur le plus magnifique des blonds, et le cœur de Kieran se serre rien qu'en le voyant. Sien. Cet homme-là, il est à lui, peu importe ce qu'en pense le monde. Et Kieran attends que la porte se soit refermée derrière lui pour déposer un baiser sur les lèvres du jeune homme en guise de bonjour. « Désolé de venir un peu à l'improviste. Mais j'avais besoin de te voir. » Deux jours. Cela fait deux jours qu'ils ne se sont pas vus en face à face, parce que Spencer était occupé par les exigences des Keating ; deux jours, ou bien une éternité pour Kieran. Le simple fait de le revoir lui donne l'impression de revivre. Juste Spencer et lui. Il n'en demande pas beaucoup plus, au fond : c'est pour lui la plus grande source de bonheur. Même s'il se dit parfois que leur relation ne suffit pas à Spencer. Pour l'heure, il va simplement taire cette voix insidieuse.

Le revoir redonne de l'énergie à Kieran. A peine ses yeux se sont-ils posés sur le beau blond, à peine leurs lèvres se sont-elles touchées, et leurs peaux entrées en contact, que l'absence et le manque s'effacent, ne laissant plus qu'un sentiment de béatitude envahir son cœur. Comment parvient-il à vivre aussi longtemps sans ressentir cela ? Avant de tomber amoureux, il ne pouvait pas que l'on pouvait ressentir une telle dépendance vis-à-vis de quelqu'un d'autre. Kieran avait souvent pris ses petites sœurs dans ses bras, et l'amour fraternel qui s'exprimait dans ce contact lui avait fait croire que c'était cela, serrer celui que l'on aime dans ses bras. Mais c'est faux. Ou bien c'est parce que ces bras ne sont pas toujours à lui, qu'il doit parfois se contenter de les regarder de loin, se porter vers une autre personne dans un geste automatique, dénué de sentiments - mais se porter tout de même vers quelqu'un d'autre. Peut-être est-ce la jalousie qui exacerbe son besoin de Spencer ; ou peut-être est-ce simplement que son amour est le plus fort. Kieran ne le sait pas. Ses pensées ne fonctionnent plus tout à fait comme d'habitude, dès lors que Spencer l'embrasse à nouveau en retour, se niche contre lui ; Kieran se perd, se retrouve, et l'ordre habituel de son esprit est remplacé par une vague d'amour. Ses bras se referment à son tour sur la taille du jeune homme, ses yeux sont attirés par cet être qui se colle à lui, presque comme pour se fondre en lui. Kieran ne saurait pas résister à de telles démonstrations. Il n'en demanderait pas autant en public, bien sûr ; ce sont des gestes trop intimes pour être livrés à la curiosité populaire. Mais être à ses côtés pour tous ces « trucs de gars célèbre », même si la célébrité n'a jamais intéressée Kieran. La chaleur du corps de Spencer contre le sien, cependant, agit comme un rempart. De telles pensées n'ont pas leur place dans l'esprit de Kieran, pour le moment.

Ses doigts se mettent à effleurer le dos de Spencer, esquissant une caresse qui s'approfondit avec une lenteur calculée ; un rythme qui leur correspond à tous les deux. L'une de ses mains glisse par moment sous le tissu bordeaux qui recouvre sa peau délicieuse, mais sans trop s'y attarder. Kieran est patient. Même si le manque est insurmontable et le rend fou, il est capable de se contrôler, de ne pas tout prendre d'un coup. « Spencer. » Il murmure son prénom d'un ton doux, où transparaît son affection. Ce n'est qu'ainsi qu'il voudrait pouvoir prononcer ce prénom qu'il aime tant, presque autant que la personne qui le porte ; le prénom de l'homme le plus important sur terre, le prénom de son petit ami. Ces deux syllabes qui le soutiennent dans les moments difficiles ; qui lui rappellent que toute patience est récompensée. « Quels trucs de gars célèbre ? Je veux tout savoir. » Il demande cela sans rancune, avec une réelle curiosité. Pour Kieran, ce qui occupe le quotidien de Spencer est forcément passionnant. Pourtant, ce ne sont pas des choses que quelqu'un d'aussi pragmatique et terre-à-terre que lui apprécie à la base. Ils sont différents, ils n'ont pas les mêmes aspirations. C'est peut-être pour cela qu'il en aime d'autant plus Spencer. Son monde est beau, parce que c'est le sien. Et c'est par son prisme qu'il parvient à l'apprécier à son tour. Sans pour autant le désirer pour lui-même. Kieran est trop simple, trop sobre pour cela. Et puis, il est bien conscient du fait que cela pèse à Spencer. Ce monde n'est pas fait que de paillettes, tout compte fait. « Tu peux toujours essayer de travailler. Quand on sera vieux, tu seras encore tout beau, tandis que moi, je me serai cassé à la tâche. » Mais il l'affirme d'un ton léger. De toute façon, peu importe ce qui peut advenir de Spencer, il n'arrive pas à envisager la possibilité de ne pas le trouver beau. On dit que l'amour est aveugle, et que l'on peut voir de la beauté là où les autres ne la discernent pas, mais... Non, décidément, Spencer est à part. Tel un ange tombé du ciel, il semble que rien ne saurait altérer la perfection de son visage. Ni celle de son corps, toujours collé à lui - et Kieran ne sait pas quand ils se lâcheront, ils devront bien le faire pourtant, mais il ne trouve pas la force de le faire. Il est trop bien, pour le moment. Il ne demande qu'une seule chose : qu'on le laisse profiter de la proximité de Spencer, de ses lèvres contre sa peau, de ses bras entourant son torse. De lui, tout simplement.

Tu ne peux que apprécier ce moment partagé avec le jeune homme que tu sers contre toi et contre qui tu te sers. Mais, tu ne veux pas non plus rester cloîtré au milieu de ce salon, debout comme des piquets. Alors, sans le lâcher, tu l'entraînes vers ta chambre où tu le fais rejoindre son lit. Avec un petit sourire en coin, tu le pousses doucement sur celui-ci avant de venir te blottir contre lui. L'une de tes jambes se glisse entre les siennes et ta tête se dépose contre son torse. Tu pourrais passer des heures, allongé contre lui, à écouter sa respiration. C'est comme ça que tu comprends que c'est de l'amour, tu ne te lasses pas, tu n'as pas une envie de sexe présente dans chaque moment de votre vie de couple. Tu peux l'écouter parler pendant des heures, ou même simplement le regarder, sans que ça ne te dérange, sans que tu t'ennuies. Alors, tu restes silencieux. Tu as envie de lui parler mais tu profites encore plus de la sensation que t'apportes sa présence. Tu peux sentir ton cœur ratait encore un battement, il te fait beaucoup d'effet ce soir, il faut croire. Encore plus que d'habitude, peut-être dû à cette période d'abstinence de deux jours. Mais, cette fois, tu as tout de même besoin de plus que juste entendre sa respiration. Alors tu gardes la même position, mais tu te redresses quelques peu. Tes lèvres viennent rapidement trouver la base de son cou à nouveau, que tu commences à embrasser avec la seule parcelle de délicatesse que tu as dans le corps. Tes baisers remontent doucement, tu effleures sa mâchoire de tes lèvres et tu le fais languir. Tu ne t'attaques pas de suite aux siennes, tu en profites pour voir jusqu'où il peut tenir. Mais finalement, c'est toi qui craque. Il t'attire comme un aimant, c'est horrible et tellement bon à la fois. Tes lèvres viennent donc trouver les siennes, délicatement, amoureusement, alors que tu passes complètement sur son corps. Mais tu sais que tu vas devoir te calmer, discuter avec lui avant de lui sauter dessus pour rattraper le temps perdu. Après de longues secondes de baiser, tu te replaces donc comme avant, ta jambe toujours entre les siennes. Mais cette fois, tu déposes ton menton contre son torse.

Et tu as raison de t'arrêter, parce que tu sais que Kieran est quelqu'un de plus calme que toi, et qu'il a surtout besoin de discussion. Il prend d'ailleurs la parole, pour te parler de tes occupations avec ton père. Tu ignores s'il s'y intéresse vraiment ou s'il fait semblant, mais tu ne comprends pas cet intérêt soudain alors que toi, de ton côté, tu ne cherches qu'à fuir ses responsabilités. Si tu n'étais pas un Keating, tu pourrais parler de Kieran au monde entier. Si tu n'étais pas le fils de quelqu'un d'aussi célèbre, tu exposerais ton amour sur les murs, avec des graffitis, des affiches ou des conneries du genre. Tu le ferais écrire sur des panneaux, criait dans des micros. Des trucs niais à souhait, qui lui prouverait que tu l'aimes réellement. Mais bon, tu es un Keating, donc toutes ces possibilités ne s'offrent pas à toi. Et tu ne peux pas en vouloir à ton petit ami de s'intéresser autant à ta vie. Alors tu vas lui répondre, essayer de détailler le plus possible. Quand ta main effleure ton dos, tu frissonnes, totalement sous le charme. « Spencer. » Le ton doux qu'il emploie te fait sourire. Tu aimes quand ton prénom s'échappe de ses lèvres, ça a quelque chose de sensuel, et d'adorable à la fois, ça te pousse à l'aimer encore plus. Tu l'interroges donc du regard, prêt à écouter ce qu'il a à te dire pour la suite. « Quels trucs de gars célèbre ? Je veux tout savoir. » Il veut vraiment savoir ça? Non, il n'était pas dans une boîte de strip-teaseuse comme le ferait d'autres gars blindés de frics. Jamais de la vie ça l'intéresserait, d'ailleurs. Mais pour ne pas énerver son petit ami, il allait répondre. « Eh bien, je l'ai rejoins ce matin à 11h et ça a été une journée horrible. On a déjeuner ensemble, avec des collègues à lui, qui me parlait de Phoebe. J'étais super gêné parce que, quand il faisait des références à nos soirées en tête-à-tête ou au sexe, je n'avais que toi en tête. J'aurais voulu leur dire, mais c'est des investisseurs, mon père m'aurait achevé.. Ensuite, on a eu le droit à une interview géniale, où j'ai du mentir sur les biens faits de l'entreprise de mon père, sur le père magique qu'il était et sur la belle vie que je menais. Conneries. Après, une jolie séance photo père-fils pour couronner notre magnifique relation, et j'ai enfin pu me sauver. » Tu haussais les épaules, l'air las. Tu avais envie de parler de Kieran aux amis de ton père, de pouvoir en parler dans les interviews, de l'imposer pour les séances photos. Mais ça ne te suffisait pas d'être le bâtard de la famille, il fallait en plus que ton père te refuse le privilège d'aimer qui tu voulais. « Tu peux toujours essayer de travailler. Quand on sera vieux, tu seras encore tout beau, tandis que moi, je me serai cassé à la tâche. » Tu soupirais doucement en voyant que Kieran remettait le sujet du travail sur le tapis, ça pouvait devenir très dangereux. Tu embrassais donc une nouvelle fois les lèvres de ton petit ami avant de murmurer. « Ou tu pourrais quitter cet emploi de malheur, venir t'installer avec moi et me laisser te payer tout ce que tu désires. Mon père ne vient jamais ici, notre vie serait parfaite. » Tu le regardes, une lueur d'espoir dans les yeux. Tu lui fais une proposition sérieuse, tout de même, celle d'emménager ensemble. Bien sur, tu te verras obligé de le présenter tel un colocataire, mais vous pourrez vous voir à chaque instant de vos vies et tu trouves bien sur que c'est la vie rêvée.

Le temps semble ne plus avoir de prises sur lui. Kieran serait incapable de dire à quel moment Spencer l'a emmené sur son lit, il se rend juste compte qu'il s'y trouve allongé, avec son homme à ses côtés, la tête adorablement posée sur son torse. Il le reconnaît bien là. Spencer est rapide, et lui aime prendre son temps. Ils trouvent ainsi leur équilibre. Il y a une suite logique ; une suite où les gestes sont plus brusques, et où, en général, les vêtements ont tendance à voler au plafond. Mais pas tout de suite. Des moments comme cela sont tout aussi importants aux yeux de Kieran, sinon plus : c'est pour lui le seul moment de découvrir ces parts de Spencer qu'il ne pourra jamais saisir de lui-même. Il y a tant de choses qu'il peut connaître de lui, jusque dans les détails les plus intimes de son corps - qu'il connaît déjà très bien, à force, mais qu'il observe toujours avec le même regard émerveillé, comme si chaque fois était une nouvelle découverte. En revanche, ce que Spencer fait lorsqu'il n'est pas à ses côtés, Kieran est incapable de l'appréhender. Voilà pourquoi il a besoin de lui parler, entre deux baisers. Leurs yeux se captent, et, l'espace d'un instant, Kieran sent son cœur louper un battement. Et sa mains glisse sous le tee-shirt de Spencer, esquissant les moindres courbes de son dos qui s'offre à lui.

Il veut savoir. Il ressent ce besoin, parce qu'il se sent vide quand Spencer n'est pas à ses côtés. Il ne peut s'empêcher de regretter ces moments où il n'est pas avec lui. Et il sait qu'il en est de même pour son homme, que celui-ci préférerait sans doute le savoir avec lui. Savoir, pour Kieran, est une forme de catharsis. Cela lui donne l'impression de ne pas être totalement exclu de la face lumineuse de son existence. De ne pas être qu'un échappatoire pour Spencer, mais bien celui qui partage sa vie, à la fois les bons et les mauvais côtés. Kieran ne veut pas être l'homme que l'on fréquente dans l'ombre en tremblant d'appréhension à l'idée que quelqu'un puisse connaître la vérité ; il veut être un partenaire, celui qui saura capable de soutenir Spencer dans les moments les plus difficiles. Et pour cela, il doit savoir ce qui travaille le cœur de son bien aimé. Alors il dévore ses mots, tout en ne pouvant s'empêcher de les regretter. C'est sûr que les soirées en tête-à-tête ou le sexe, ce ne sont pas des choses qu'il donne à Phoebe. Ou du moins, il n'a pas intérêt à le faire s'il ne veut pas risquer la colère de Kieran. C'est qu'il n'aime pas vraiment partager, et ne le fait qu'à contrecœur, parce qu'il n'a pas le choix, parce qu'il sait que Spencer n'aura jamais de sentiments pour une femme. « Oh ? J'espère au moins que tu as dit qu'elle était bonne au lit, ça m'aurait fait plaisir. » Comme un compliment détourné, en quelque sorte. Ne pas comprendre « elle », mais « il ». Kieran ne se fait pas trop de souci là-dessus, cela dit ; le corps de Spencer parle pour lui. Il le sent réagir à son contact, à chaque fois que sa peau frôle la sienne ; et quand le contact s'approfondit, cela n'en devient que plus vif. Kieran n'a pas vraiment besoin qu'on le complimente, il lui suffit de voir le regard amoureux de Spencer pour comprendre qu'il n'a pas à s'inquiéter à ce sujet. Il est pourtant conscient qu'avant de le connaître, Spencer était tout de même un peu libertin. Sa constance actuelle est donc une preuve supplémentaire, aux yeux de Kieran. Et de toute façon, si son petit ami allait voir ailleurs, il ne s'en sortirait pas vivant. Une fausse copine, c'est déjà bien assez. Kieran rit. « Je plaisante. Ce doit être dur de passer ton temps à mentir. » Dur. Et frustrant pour l'homme qui se tient dans l'ombre, à regretter que la vérité ne puisse éclater au grand jour. Kieran essaie de ne pas juger. Il n'est pas du tout dans la même situation que Spencer : sa famille est normale, elle ne représente rien aux yeux de la société ; qui plus est, dès le départ, il a compris que s'afficher avec quelqu'un du même sexe que lui ne les dérangerait pas. La seule chose qu'il aurait à supporter, c'est le regard des autres, et celui-ci est bien plus important dans le cas de Spencer. Spencer a beaucoup plus à perdre que lui. Ce qui n'empêche pas Kieran d'angoisser, de se poser des questions, de ne pas apprécier la situation. Il ne pense pas vraiment que cela constitue une excuse valable pour toujours se défiler. Enfin, ne pas y penser pour le moment.

Un nouveau baiser. Et, comme à chaque fois qu'il croise son regard, son cœur chavire, mais avec le temps, il s'y est habitué, à cette impression de tomber amoureux de lui à chaque fois qu'ils se regardent. Surtout en de telles circonstances. C'est rare de la part de Spencer de lui faire une telle proposition : cela revient à admettre officiellement qu'ils se connaissent, et qu'ils s'apprécient assez pour vivre ensemble. Ce serait déjà pas mal. Mais pas assez. Et puis, le problème n'est pas vraiment là. « J'aime mon travail, fait-il remarquer. Je m'y sens bien, tu sais. Et je ne veux pas dépendre de toi. Je ne suis pas un profiteur, je ne suis pas avec toi parce que j'en veux à ton argent. » Trace de fierté, résidu d'une éducation où le travail a toujours été valorisé. Kieran est très américain en cela : le coup du self made man, ça lui parle vraiment. Il sait aussi que ce n'est pas quelque chose que Spencer penserait. Sur ce point, leur conception de la vie est très différente. Kieran, c'est vraiment le fils de travailleurs. Mais, alors qu'il se trouve aux côtés d'un amant bien plus riche que lui, il n'en a pas honte. Ce n'est pas l'argent qui détermine la valeur de quelqu'un ; il serait tout aussi digne de Spencer même sans avoir un rond en poche. Il ne dit pas non à sa proposition. Il veut emménager avec lui, évidemment. Mais en tant que petit ami, pas colocataire. Quoiqu'on en dise, le père Keating est un peu son beau-père, même s'il ne le sait pas. Commencer par un tel mensonge met le jeune homme mal à l'aise. « Mais j'apprécie. Réellement. » Il s'empare de la main de Spencer, entrelaçant leurs doigts d'un geste plein d'aisance, qui trahit l'habitude. C'est dur, pour lui, de ne pas sauter sur l'occasion. De ne pas accepter ce qui lui semble un rêve. Toutefois, Kieran a ses raisons. Leur relation est secrète, et cela a forcément des inconvénients. Peut-être Spencer pourrait-il enfin s'en rendre compte. Que s'il acceptait de s'assumer, une telle vie deviendrait réalité.

Les sensations que tu ressentais lorsque tu te trouvais en présence de ton petit ami était exceptionnel. C'était que du pur bonheur et tu avais pour habitude d'en profiter un maximum, parce que tu n'étais jamais sur de quand tu pourrais le retrouver. Et, même si tout le monde semblait douter de cette partie de ta personnalité, parce que tu étais reconnu comme le petit con de service, tu te sentais coupable de devoir cacher Kieran. Il est l'homme que tu aimes, même si ça serait dur à faire avaler aux gens qui t'entourent, à tes fréquentations, les plus proches. Qui ne sont pas nombreuses, en réalité. Ta famille, ton meilleur ami, Phoebe et Kieran. Les deux derniers sont les principaux concernés dans cette histoire et ils sont donc déjà au courant, ton meilleur ami commence à te soupçonner, tu vas devoir cracher le morceau un jour. Mais ta famille croit encore dur comme fer que tu vis le parfait amour avec Phoebe. Cette idée te donne envie de vomir. Encore une fois, tu trouves que Phoebe est gentil mais elle ne correspond pas à l'image que tu te fais de la personne avec qui partager ta vie. Kieran y correspond parfaitement. Tu songes au jour où tu voudras annoncer à ton père ta relation avec un homme, parce que tu ne pourras pas le garder secret tout ta vie. Surtout que tu veux avancer dans ta relation avec lui, tu veux emménager avec lui, pouvoir l'emmener au dîner de familles, aux grands dîners mondains, aux soirées où tu t'ennuies à mourir. Tu veux avoir son soutien à chaque moments de ta vie. Pourtant, tu dois te contenter de vos messages et de vos appels quand tu n'es pas avec lui et ça te désespère tellement, de ne pas pouvoir l'avoir toujours auprès de toi. De toute façon, son travail vous empêcherait de passer votre vie ensemble, mais si ta famille était au courant, tu le verrais surement plus souvent. Tu essayes de te sortir ces idées sombres de la tête, parce que tu veux garder l'image que les gens ont de toi. Ils ne savent pas ce qu'il se passe dans ta tête. Il pense que tu éloignes Kieran par pur plaisir, pour le faire souffrir. Mais, de ton côté, tu souffres aussi de cette situation. Tu crèves à petit feu de devoir te retrouver en cachette avec la personne la plus importante de ta vie. Et si seulement tu pouvais le présenter au monde, tu t'en porterais encore mieux.

D'ailleurs, cette personne se trouve en face de toi. Et tu viens de lui faire la proposition la plus importante de ta vie, tu as fait un pas en avant. Cela ne t'est jamais arrivé. Tu ne t'es d'ailleurs jamais engagé dans une telle relation avec quelqu'un, avant Kieran. C'est ton premier, dans tous les sens du termes et ça te plait. Tu n'aurais pas pu rêver mieux. Alors tu attends, tu scrutes, sa réponse, sa réaction. Pour lui, que ça dérange tellement de rester dans l'ombre de Phoebe, tu imagines une réaction joyeuse. Peut-être un cri de joie, une étreinte passionné. Mais ton expression se fige lorsque tu remarques la réaction du jeune homme. Rien de tout ce que tu avais espéré ne se produit, il reste assez... Indifférent à ta proposition, se contentant de faire référence à vos différences de moyens financiers. C'est tout, donc? Il va refuser poliment cette offre tellement officielle que tu lui fais, sans explications? Prétextant juste qu'il ne voulait pas dépendre financièrement de toi. Tu te racle donc la gorge, glissant une main dans tes cheveux blonds avant de te redresser sur un coude. Tu ne peux pas croire à ça, et, sous tes airs de gros dur, tu es assez blessé par la réaction de ton petit ami. Certes, tu l'aurais présenté officiellement comme un colocataire, mais tu aurais pu le présenter à son père. Et vous auriez pu avoir une vie de couple. Tu hoches donc la tête, feignant de comprendre sa réaction, avant de murmurer. « Je comprends, j'aurais pu te présenter à mon enfoiré de père.. Mais, je ne peux toujours pas employer le statut de petit ami, c'est peut-être pas encore assez suffisant pour toi. J'aurais essayé... » Tu avais perdu ton humeur câline et tu te laissais donc simplement retomber à côté de lui, fixant le plafond de ta chambre, pensif. Tu ne sais pas quoi penser, tu étais sur que Kieran allait accepter cette proposition, qu'il n'attendait que ça. Mais il fallait croire que vous étiez mieux, chacun l'un chez l'autre. Tu n'avais donc pas envie d'essayer de le convaincre plus. A quoi bon? Pour que tu te sentes encore plus coupable, parce que c'est de ta faute, parce que tu le caches, parce que tu ne t'assumes pas, parce que t'es un abruti de première classe. Tu passes tes mains sur ton visage avant de te relever.

« Je vais prendre quelque chose à boire, tu veux quelque chose, Kieran? » Il n'y a que deux périodes où tu l'appelles par son surnom plutôt que par son prénom : quand tu veux lui faire comprendre qu'il te manque, ou qu'il t'énerve. Et, à ce moment là, tu optes pour la deuxième option. T'attends sa réponse, avant de prendre le chemin de la cuisine. Toi, il te faut un café bien noir, bien bien noir, avant d'attaquer l'alcool. Pendant que l'eau du café chauffe, t'ouvres ta fenêtre et tu sors ton paquet de cigarettes. Le meilleur remède, la plus belle mort. Tu allumes donc cette petite merveille à l'aide de ton briquet et la porte à tes lèvres. Une taffe, deux taffe. Tu recraches la fumée par la fenêtre et tu recommences. Jusqu'à atteindre le bout, contribuant un peu plus à un futur cancer des poumons. Tu te débarrasses bien rapidement du mégot avant de récupérer vos deux boissons. Quand tu es partie dans la cuisine, tu as coupé court à la conversation, faisant comprendre à Kieran que tu n'avais pas apprécié sa réaction, mais que tu n'allais pas non plus le forcer. De retour dans la chambre, tu déposais les affaires sur la table de nuit avant de t'asseoir au bord de ton lit double.

Malgré la magie de ces moments, malgré tout l'amour qu'ils peuvent porter à l'autre, Spencer et Kieran ne sont pas toujours sur la même longueur d'ondes. Et c'est là que cela leur pose souvent problème. C'est parce qu'ils ne pensent pas pareil qu'ils ont tendance à ne pas toujours s'entendre. Et le point-là est épineux. Parce que Spencer ne considère qu'un seul aspect : la vie commune. Il prend sans doute le demi-refus de Kieran comme un rejet, ce qui est loin d'être le cas. Pour Kieran, c'est douloureux de ne pas dire oui tout de suite. Toutefois, il ne peut pas toujours faire de concession. Il a tendance à penser que, dans leur relation, c'est lui qui en fait le plus. Lui qui accepte de le voir sortir avec une fille, taire totalement son existence comme s'il était une gêne, quelque chose de honteux. Spencer s'est trompé, ce que Kieran désire le plus n'est pas de le voir tous les jours. Cela ne saurait le satisfaire s'il n'est pas reconnu de façon officielle par Spencer. C'est là ce que Kieran veut le plus. Avoir le droit d'occuper sa place, tout simplement. Mais il n'en veut pas à Spencer de ne pas s'en rendre compte. Après tout, Spencer est un peu plus impulsif que lui, peut-être plus axé sur la partie sensuelle de leur relation. Kieran, lui, voit ce qu'il ne possède pas. Il y a des moments où il doute même d'être le petit ami de Spencer, comme si tout cela n'était qu'une illusion qu'il s'était créée pour supporter de le voir avec quelqu'un d'autre que lui. Il y a des besoins qui ne sauraient se satisfaire au lit. Kieran voudrait qu'il le comprenne. Mais visiblement, le message n'est pas passé, et Kieran sait très bien que, s'ils s'engagent sur cette voie, ils finiront par se déchirer à nouveau. Ce soir, il ne veut pas prendre le risque. Il préfère mettre sa fierté de côté, et profiter de la présence de Spencer. Pas se prendre la tête avec lui.

Son homme l'appelle par son prénom, ce qui montre bien que Kieran a gâché l'ambiance. Il ne le ferait pas, autrement. Il culpabilise un peu. Tout en se disant que ce n'est pas totalement de sa faute non plus, que ce n'est pas à lui d'accepter tout ce que lui demande Spencer. Après tout, il a le droit de ne pas être d'accord. « N'importe, quelque chose de pétillant, ça m'irait. » Se saouler maintenant n'est peut-être pas le meilleur moment, songe-t-il, il vaut mieux attendre que les choses se calment. Et puis, s'ils commencent à boire, il n'est pas dit que les rancunes cachées au fond du cœur de Kieran ne vont pas ressortir. Bref, jouer la carte de la prudence. Le jeune homme reste un long moment dans la chambre - beaucoup trop long pour le temps que cela demande, de servir à boire -, et il pense savoir pourquoi. Il serre les poings, mais ne va pas le rejoindre. Si Spencer veut rester seul un petit moment, il le laissera tranquille. Kieran se redresse et s'assoit sur le lit, sans pour autant paraître mal à l'aise. Cette chambre, il la connaît bien, il en a passé, du temps. Au point qu'il a parfois l'impression qu'un peu de lui y est resté, idée qui n'est pas pour lui déplaire : être avec lui, même quand il n'est pas là. Bien sûr, ce n'est qu'un rêve, un fantasme destiné à calmer son manque de lui. Quand il est là, Spencer dort seul, et doit sans doute ressentir le poids de la solitude. Tout comme lui se sent désespérément seul quand il s'allonge seul dans son lit. Et dans tous ces moments où Spencer est au loin, avec Phoebe ou avec son père. « Ce serait mieux, de vivre avec lui... » : admet-il dans le silence. Profitant de l'absence de Spencer, qui lui aurait très certainement demandé de dévoiler le fond de sa pensée.

Celui-ci finit par revenir, s'asseyant à distance de Kieran - au bord du lit, montrant très clairement que l'heure n'est plus au câlin. Kieran se retient de soupirer, parce qu'il sait aussi que c'est de sa faute. L'odeur que Spencer porte confirme d'ailleurs son intuition. « Tu fumes encore ? » Kieran n'aime pas l'odeur du tabac, surtout lorsque celle-ci recouvre l'odeur de son homme. Il la trouve désagréable, mais il sait très bien que Spencer n'a pas fumé pour l'incommoder. C'est pourquoi il se rapproche de lui, posant sa main contre la sienne. Fermant les yeux en appuyant sa tête contre son épaule, mais n'osant pas aller plus loin, pour ne pas le brusquer. « Je veux quand même que tu saches. C'est dur, pour moi, de vivre sans toi. » Et c'est aussi dur de vivre dans le secret ; mais Kieran le tait, ce détail. Pas le moment de le rappeler. Sinon, cela pourrait poser problème. Car au final, cela ne voudrait-il pas dire que Kieran préfère vivre sans lui, plutôt que dans le secret ? Il ne veut surtout pas que Spencer le croit.

« Tu fumes encore ? » Aïe. Tu sais de suite que le sujet va être délicat, car il déteste ça. Kieran n'a jamais été d'accord avec l'idée que tu fumes, mais il ne t'en as jamais empêché, il ne t'as jamais fait de scène par rapport à ça, heureusement. Mais tu te décides alors à mettre un peu d'humour dans cette conversation, afin de détendre l'atmosphère et d'éviter de partir dans une nouvelle dispute. « Je voulais occuper ma bouche avec autre chose, mais tu préfères qu'on ait des discussions profondes, je vais donc me contenter de ma cigarette. » Voilà, c'est ça la technique à adopter avec Kieran. Il te connait, il sait que tu es plus porté sur le plaisir corporel, de ton côté. Mais il sait également que tu tiens à votre relation, à ce quelque chose de plus profond qu'il y a entre vous. Tu portes donc doucement ton café à tes lèvres, et tu en bois une gorgée, la chaleur de ce dernier te brûlant quelques peu la langue. Tu reposes celui-ci sur ta table de nuit avant de venir déposer ta main sur la cuisse de ton petit-ami. Tu évites de rentrer dans les gestes trop sensuels, parce que tu sais que tu pourrais rapidement dévier, te laisser aller à tes instincts masculins. Alors que, en ce jour, tu veux faire plaisir à cet homme, lui prouver qu'il n'est pas que là pour ton propre plaisir, alors tu vas discuter avec lui. Tu vas lui parler, l'écouter, jusqu'à ce que tu en tombes de sommeil. Et tu l'écouteras même encore après, parler, jusqu'à l'aube. Tu n'en as pas idée, mais tu veux juste l'écouter. Quand tu l'observes, allongé sur ton lit, tu ne peux te retenir de sourire. Ton sourire est doux, tendre, parce que tu l'admires. C'est dans ces moments comme ceux-ci que tu te rends compte que ton amour pour lui est démesuré et que tu serais prêt à tout pour ses beaux yeux, même si tu n'arrives pas à lui montrer, quand tu penses à ton père. Cette pensée réveille la partie de toi qui n'est pas un gros connard, et ça t'attriste. Kieran est la seule personne capable de t'attendrir et tu arrives encore à gâcher cette chance, tu te sens tellement misérable.

« Je veux quand même que tu saches. C'est dur, pour moi, de vivre sans toi. » Tu baisses les yeux vers vos mains, posées l'une sur l'autre puisqu'il vient de joindre la sienne à la tienne et tu mordilles doucement ta lèvre inférieure. Tu as envie de lui faire plaisir, de trouver quelque chose pour sortir de votre petite routine. Mais tu sais que, chaque chose que tu aurais envie de lui offrir, attirera forcément le regard des gens et les amèneront à se poser des questions. Même si tu disais que tu fais tout cela en temps qu'ami. Alors tu restes impuissant, à regarder vos mains, en réfléchissant. Que pourriez bien vous faire en cette belle soirée, qui ne nécessiterait pas de rester enfermé dans cette chambre? Tu aimerais l'emmener au cinéma, mais ça paraîtrait suspect, surtout si tu as envie de lui tenir la main pendant le film. Tu aimerais l'emmener dîner mais, les gens ne sont pas bêtes, ils savent bien que des potes, ça sort se bouffer un petit mcdo, ça ne va pas dans des restaurants italiens ou français, hors de prix, à se regarder dans le blanc des yeux, un sourire niais aux lèvres. Tu secoues alors la tête, résigné. Vous allez devoir passer une soirée de plus dans cette maudite chambre aux murs blancs, à discuter et à dormir. Parce que, pour une fois, tu ne comptes même pas finir la soirée sur une petite touche sexuelle, simplement te contenter de t'endormir contre lui. Mais tu vois qu'il attends ta réponse, alors tu prends une petite inspiration et tu te lances. « Je t'ai fait ma proposition, Kieran. Je sais que tu as peur, que tu ne veux pas que je te présente à mon père en tant qu'ami. Mais si j'avais une raison de te présenter officiellement à lui, il t'appréciera forcément et, s'il t'apprécie, tu seras au moins convié aux dîners familiaux, crois moi..  On pourrait en passer des soirées ensemble. Il te suffit de me donner une seule petite réponse. » Tu espères le convaincre de cette manière, même si tes chances sont très maigres.

Tu te redresses alors et tu quittes le bord du lit afin de venir te blottir contre lui avec douceur, à nouveau. Tu adores cette sensation, celle de la chaleur de son corps, de la protection de ses bras, de l'amour qu'il te porte et qu'il te transmets par de simples étreintes. Tu apprécies, comme si ta vie en dépendait à cet instant précis, et ça te plait, vraiment. Alors, tes lèvres viennent chercher le chemin des siennes, y déposant de doux et délicats baisers, avant de venir se nicher contre son cou. Partie de son corps contre laquelle tu déposes à nouveaux des baisers, mais pas que. Tu en profites pour mordiller sa peau par moment, avant de venir y déposer une petite marque violette, un suçon, afin de marquer ton passage. Car tu sais que, comme Kieran est célibataire aux yeux du monde, les autres hommes ne restent pas insensibles à ces charmes, et tu as toujours peu que quelqu'un essaye de te le prendre. Alors, tu essayes, espérant qu'en voyant cette marque, ils soient décourager. Parce que tu ne peux pas marcher, main dans la main avec lui, sur un bord de trottoir, à fusiller du regard tout ceux qui ont les yeux trop baladeurs.

C'est typique de Spencer, ça, de vouloir détendre l'atmosphère avec une blague de mauvais goût, mais cela fait effet. Kieran se met à rire, et sent que la glace est en train de fondre. Il préfère cela. Ils se disputent déjà assez, Spencer et lui, sur des sujets qui n'en valent parfois même pas la peine. Mieux vaut donc oublier cela très vite, et puis, Kieran ne peut pas nier que cela lui fait plaisir. C'est con, parce qu'il adore passer des moments au lit avec Spencer, mais il sait aussi que cela ne suffit pas à construire une relation. On peut coucher avec le même homme tous les jours et ne jamais dépasser le stade de sex friends, et ce, même s'il y a une parfaite alchimie entre les deux. Spencer est bien plus que cela, à ses yeux, et il n'a vraiment besoin que d'une seule chose pour être heureux : sa présence. C'est lui qui se montre exigeant à en vouloir plus, à demander à ce que cette présence soit reconnue. Buvant à son tour, Kieran pose les yeux sur l'homme qu'il aimerait voir partager son existence. En vérité, même avec une cigarette à la bouche, le jeune homme ne peut s'empêcher de le trouver parfait. C'est stupide, complètement subjectif ; même lui est capable de se rendre compte que Spencer, c'est quand même le prototype du petit con, pour beaucoup de gens, et objectivement, il serait très certainement capable de trouver plusieurs raisons qui appuieraient l'opinion commune. Mais ça importe peu, à ses yeux : même cette partie-là de sa personnalité lui plaît. Car Spencer n'est pas comme ça avec lui, il fait attention, il se refuse à le blesser de façon inconsciente, et Kieran est sensible à l'effort. Toutefois, quelqu'un observant la chose de l'extérieur ne comprendrait pas forcément le regard qu'il pose sur son petit ami. Il est persuadé que certaines personnes se diraient que, pour supporter un type comme Spencer, Kieran doit être vraiment attiré par sa fortune et sa réputation. Opinion tellement stupide, mais qui ne lui fait pas peur. Il sait très bien que, si jamais leur relation venait à devenir publique, il attirerait ce genre de remarques. Mais lui est prêt à les surmonter.

Kieran sent Spencer bouger, et celui-ci vient se blottir contre lui. Il sent son cœur se remettre à battre un peu trop fort. Il se souvient parfois de la première fois où Spencer l'a touché. Il s'est demandé, sur le coup, s'il arriverait à tenir tant cela le rendait dingue - dans le sens positif du terme. Il aime bien se dire que, même s'il s'y est habitué, Spencer lui fait toujours autant d'effets que le premier jour.  « Qu'est-ce que... » Un suçon. Il lui a fait un suçon, comme ça, comme pour marquer sa propriété. Kieran hésite en l'engueuler pour la forme ou l'embrasser à son tour. Décide de faire une petite remarque malicieuse. « Heureusement que tu as dit vouloir discuter. » : lance-t-il en plaisantant, avant de s'emparer du menton de Spencer, de le redresser à son niveau, et de s'emparer de ses lèvres pendant un moment assez long. Kieran aimerait bien lui rendre la pareille, en fait, mais ne s'y autorise, s'inquiétant des conséquences. Que va penser son père si Spencer revient avec une marque alors qu'il n'a clairement pas passé son temps avec Phoebe ? Et le jeune homme n'a certainement pas envie de demander de l'aide à cette jeune femme, cela lui fait déjà trop mal. Il finit par relâcher Spencer, les yeux pétillants. « Ton père me fait un peu peur quand même. Je veux dire... si même toi, tu n'oses pas le contrarier, que va-t-il se passer si je me jette subitement sur toi sous ses yeux ? » Non, il ne le ferait pas, ce n'est pas le genre de Kieran... quoique. S'il le faisait, Spencer serait bien obligé de s'expliquer, ce serait peut-être l'occasion de faire bouger les choses. « Tu es sûr de vouloir courir le risque ? » Encore une fois, Kieran ne dit pas non. Il ne peut pas vraiment le dire, ça lui est impossible. Dans le fond, il aimerait bien pouvoir être reconnu par papa Keating comme assez digne du fils, même s'il est effectivement un homme. Admettre officiellement qu'ils se connaissent et s'entendent bien, ce serait sans doute une première étape. Si le père ne l'aime déjà pas, lui avouer que leur relation est un peu plus intime que cela risque de poser de gros problèmes. Spencer n'a pas tort. Toutefois, quelque chose fait peur à Kieran. S'ils habitent ensemble, comment vont-ils faire lors de leurs prochaines disputes, qui ne manqueront pas de survenir au vu de leurs caractères réciproques... ?

Tu avais tout de même du mal à te comporter comme un couple. Pas parce que votre relation était cachée, mais parce que tu n'avais jamais eu personne dans ta vie auparavant. Certes, les gens feraient toujours référence à Phoebe si tu leur disais cela mais, ce qu'ils ignoraient, c'est que tu te laissais juste entraîner dans cette affaire. Tu trouvais cela encore plus gênant avec cette jeune fille, justement parce qu'elle n'était, au fond de toi, qu'une amie. Et, peu importe ce que pensent les gens, cette situation te tue intérieurement. Tu ne le montres pas à Kieran, t'essayes de lui montrer le moins possible que, toi aussi, tu souffres de ne pas l'avoir avec toi dès que tu le désires. Quand t'es dans ton les grands événements auxquels tu dois participer et que ta cavalière c'est Phoebe, tu ne peux t'empêcher d'imaginer ce que ce serait si t'avais pu emmener Kieran à la place. Tu aimerais tellement. Surtout que, s'il n'était pas un homme, tu es sur que ton père l'aimerait. Il est sociable, il sait y faire avec les gens, il est également drôle et très, très mignon. Il a du potentiel, il se donne les moyens pour réussir et, ton père étant à la tête d'une entreprise, adore les gens déterminés. Tu es même sur qu'il apprécierait plus Kieran que toi, il a jamais aimé ton côté je-m'enfoutisme, accompagné de ton côté petit branleur qui aime personne et qui ne fout rien de ses journées. Ton petit ami est tout le contraire. C'est pour cela que tu aimerais beaucoup le présenter à ton père, même en tant qu'ami, pour qu'il se rende compte à quel point il peut être parfait. Et puis, qui sait, tu n'es pas très adroit. Tu serais bien capable de faire une gaffe devant ton père, qui l'amènerait à apprendre la vérité sur le jeune homme et toi. Tu te sentirais bête, mais au moins ce serait chose faite. Et puis, tu es à peu près sur que ça ne dérangerait pas ton père de découvrir ton homosexualité, mais ce qui le dérangerait surtout ça serait l'image que tu pourrais renvoyer aux médias. Les gens jugent vite et beaucoup seraient capable de retirer leurs investissements et de faire couler ton père juste parce qu'ils n'apprécient pas ce que tu es.

« Ton père me fait un peu peur quand même. Je veux dire... si même toi, tu n'oses pas le contrarier, que va-t-il se passer si je me jette subitement sur toi sous ses yeux ? » Voilà où tu voulais en venir, tu savais très bien que ça poserait un problème à Kieran. Mais il fallait que tu lui expliques, que ce n'était pas tant la réaction de ton père qui te faisait peur, mais plutôt les médias, le fait que toute l'entreprise de ton père puisse couler, disparaître à cause de toi. Le contrarier? Bien sur que si, tu oses le contrarier, ta vie entière sert à contrarier ton père. Il sait que s'il n'avait pas fait une connerie, que si tu étais bien son fils légitime, il pourrait te confier les soins de l'entreprise à sa retraite. Tu n'attends que ça, d'ailleurs. Poser tes pieds sous un bureau, commander des centaines de personnes sans lever le petit doigt et te faire un salaire du tonnerre à la fin du mois. Mais non, c'est ta saleté de demi-soeur qui va reprendre l'entreprise. Et comme vous avez la chance de vous entendre tellement bien, elle te coupera les vivres que ton père te fournit et t'obligera à te bouger pour aller travailler. Tu prends une inspiration, en regardant alors Kieran. « Le problème, c'est que toute ma vie je contrarie mon père. Et ce n'est pas mon père qui sera le plus contrarié, c'est les médias et les investisseurs. Parce que, avoir un fils gay, c'est pas la meilleure chose au monde. Plus d'investisseurs, plus d'entreprise. C'est ça qui m'inquiète plus que le reste.. » Tu admires dans le même temps l'oeuvre d'art que tu as déposé sur le cou de ton petit ami avec un petit sourire satisfait. Il peut en faire maintenant, des sorties en boîte, mais tout le monde saura qu'il t'appartient totalement et qu'ils n'ont pas la main mise sur lui. C'est dans ces moments là, quand Kieran mène sa vie de son côté, que tu te haïs de ne pas risquer l'entreprise de ton père pour lui. Tu sais que c'est dur pour lui également mais, quand tu n'es pas avec lui, tu fais soit semblant d'être avec Phoebe pour les beaux yeux des caméras, soit tu es vautré dans ton canapé devant des émissions bien débiles. Mais jamais sous le regard sournois de jeunes hommes très intéressés. Et tu sais que, même si vous sortiez ensemble en boîte, tu devrais juste observer, impuissant, ces jeunes hommes s'approchant trop près de ton petit ami. Mais tu es bien vite tiré de tes pensées par la voix de ce dernier. « Tu es sûr de vouloir courir le risque ? » Quoi? Quelle question ! Bien sur que tu en es sur. Tu secoues alors la tête et lève les yeux au ciel tandis que tes dents venaient torturer ta lèvre inférieure doucement. Tu laisses un blanc de quelques minutes avant de répondre. « Sur de vouloir vivre avec mon petit ami ? De pouvoir l'avoir en permanence avec moi? De pouvoir enfin montrer son beau visage à mon enfoiré de père? Bien sur que je le veux, Kie' ! »

Sans doute Kieran ne parviendra jamais à comprendre comment ça se passe, dans des familles comme les Keating. Il faut dire que la sienne a toujours été très tolérante, très ouverte, n'ayant d'ailleurs pas de sales secrets à cacher, ni d'intérêts pouvant être menacés si la discrétion n'était pas assurée. Les Wakefield ne sont qu'une famille normale, c'est sans doute facile pour elle de tout accepter (ou presque), de se dire avant-gardiste ; elle n'a rien à prouver à personne. Kieran ignore au juste à quel genre de pression son petit ami a été sujet depuis son enfance ; il ne doute pas d'ailleurs que ces attentes constantes ont très certainement forgé son caractère actuel. Sa volonté de ne pas se comporter comme on l'attend de lui, de vouloir profiter des privilèges liés à sa famille, ce n'est pas si étonnant que cela : il faut bien que Spencer se protège. Toutefois, Kieran ne peut pas vraiment comprendre la peur des medias et des investisseurs. A la limite, les premiers, il peut imaginer : il n'a jamais fait la une, mais il sait que, vu que Spencer est une personnalité publique, il se retrouverait embarqué là-dedans. Et il est bien obligé d'admettre que c'est loin d'être ce qui le tente le plus : être célèbre, c'est un cadeau empoisonné à ses yeux. Il n'empêche, peu importe ce qu'en pensent les rapaces, il ne trouve pas que mentir pour avoir une bonne image soit une bonne chose. Spencer et lui ne font absolument rien de mal ; il n'y a que les plus conservateurs pour estimer qu'ils commettent un péché, et très honnêtement, Kieran se contrefiche bien de leur opinion rétrograde. Ils s'aiment, et ils seront plus heureux ensemble que s'ils essayaient chacun de satisfaire une femme pour laquelle ils n'auraient jamais de sentiments. Et puis, Kieran est bien placé pour se rendre compte qu'une certaine part de la gente féminine est sensible à ce genre d'histoires. Bref, les medias, ça ne le dérange pas vraiment, lui qui a déjà fait son coming out. Quant aux investisseurs... milieu qui n'intéresse pas vraiment Kieran, parce qu'il sait très bien qu'il n'y connaît rien du tout, il risque surtout de dire des conneries à leur sujet. Alors il se tait à leur sujet, mais tout de même. « Si ce n'est pas ton père qui te dérange, pourquoi ne pas lui dire à lui ? Je suis sûr que, si cela met en danger les intérêts de votre entreprise, il aura l'intelligence de se taire. » : fait remarquer Kieran, soudainement songeur. Sur ce point, il ne comprend pas trop Spencer. Il lui fait confiance, de toute façon, il connaît le père Keating bien mieux que lui, il est donc plus à même d'estimer sa réaction. Mais tout de même. Kieran ne dit rien, mais cela le fait réfléchir. Il ne va pas trop y penser pour le moment, mais la suite reste d'être terrible.

« Je ne cacherai jamais à ton père que je suis gay. Tout le monde le sait dans mon entourage, de toute façon, je n'ai aucune raison de mentir. Que tu aies un pote gay, passe encore. Mais il va réagir comment si tu veux t'installer avec lui ? T'as pas peur qu'il se doute de quelque chose, ou qu'il s'inquiète de la possibilité que je te saute dessus si je suis frustré ? » Question pertinente, selon Kieran. Même s'il le voulait, même si c'était une demande de Spencer, il ne pourrait pas mentir : il suffit de parler un peu avec quelqu'un le connaissant pour découvrir son homosexualité. Kieran ne sait pas si le père de Spencer est du genre à faire des recherches sur les fréquentations de son fils, mais sans aller jusque là, il n'aurait pas besoin de creuser bien loin pour tomber sur cette information. Ou alors, ça risquerait de tomber à un moment un peu délicat, une allusion qui tombe au mauvais moment. Kieran comprend très bien le besoin que Spencer ressent de vivre avec lui, car il le ressent aussi. Toutefois, il sait aussi que ce n'est pas simple. Lorsque l'on vit sous le sceau du secret, il faut s'attendre à faire des sacrifices. Et procéder avec prudence. Kieran ne veut rien faire qui puisse nuire à Spencer. « Mais puisque tu te dis prêt à courir le risque... » : finit-il par conclure avec un sourire amusé, et Kieran le serre fort contre lui. Même l'odeur de la cigarette ne le dérange pas, en cet instant : elle fait partie intégrante de Spencer, après tout. Combien de temps aura-t-il mis pour s'en rendre compte ?

Tu aurais très envie de faire connaître ton monde à Kieran, de lui montrer l'envers du déco pour lui faire comprendre que, chez les Keating, tout n'est pas toujours tout rose. Il doit s'en douter, puisque tu te retrouves à te cacher avec lui dans une chambre d'appartement minable, à vous regarder dans le blanc des yeux et à parler des problèmes que ton père vous cause. C'est une vie sacrément géniale, surement celle dont tous les couples rêverait. Mais tu sais que vous allez devoir tenir de cette manière assez longtemps. Même si tu le présentes à ton père tel un ami, tu devras toujours te cacher ici avec lui, loin des regards indiscrets. Néanmoins, tu fais le point sur une remarque de ton petit ami. Celui-ci se demande pourquoi ne pas le dire à ton père, si ce n'est pas celui-ci qui dérange. Tu pinces tes lèvres entre elles, soucieux, avant de prendre la parole. « J'ai dis que ça ne dérangerait pas mon père personnellement, je n'ai pas dit qu'il ne serait pas capable de nous séparer pour son propre intérêt, c'est ça le problème avec lui, on n'est pas sur de pouvoir lui faire confiance ! » Tu avais donc poussé un petit soupir, te plaçant sur le dos afin de fixer le plafond blanc et monotone de cette chambre que tu commençais à ne plus pouvoir voir. Tu as envie de sortir d'ici, de voir du monde, enfin non, pas dans ce sens là. Tu veux que le monde te voit avec ton petit ami, et tu sais ce que tu dois faire pour ça. « Je ne t'interdis pas de dire à mon père que tu es gay, Kieran. Je comprends que ton mode de vie soit différent, que tu ais besoin de faire savoir aux gens que tu l'es. Mais, dans le contrat, rien ne stipule que je n'ai pas le droit d'avoir d'amis gays, non? » Tu sentais le corps de ton petit ami se rapprochait du tien, puisque celui-ci te serrait dans ses bras. Tu te laissais donc aller à cette étreinte parfaite. A sa dernière phrase, tu lèves les yeux au ciel. Au fond de toi, tu sais que cette petite hésitation à la fin de la phrase signifie qu'il espère encore que tu te rétractes, comme tu le fais toujours. « Je suis prêt. Demain, il y a un dîner avec mon père, ma soeur et ma marâtre. Tu viens avec nous. Je dirais que Phoebe est malade et que, comme il y avait une place de libre, j'ai amené mon coloc'. Qu'en dis-tu? » Tes dents venaient torturer ta lèvre inférieure, nerveusement.

Soudainement, une idée te vient en tête. Il y avait bien cette chose, que tu avais spécialement préparée pour lui. Ces deux choses, en fait. Dans le premier cas, tu dois lui montrer, et dans le deuxième cas, tu dois lui dire. Tu ne sais pas laquelle des deux surprises lui fera le plus plaisir. Mais tu prends les devants. Tu te lèves et tu tires sur sa main pour qu'il en fasse de même, avant de l'entraîner avec toi. Tu as une pièce pour ce genre de choses, bien insonorisée, pour qu'on ne t'entende pas, surtout la nuit. Tu penses bien entendu à ta guitare, même si tu devrais penser à emmener Kieran ici lors de vos prochains jeux sexuels. Tu le fais donc s'asseoir dans cette fameuse pièce, dans le canapé en cuire noir collé contre le mur et toi, tu vas en face. Tu prends place sur ton tabouret et tu tires la guitare sur tes genoux. C'est étrange, t'es nerveux. Tu joues trois fois par semaine dans le café du coin, et t'es nerveux devant Kieran. Voilà l'effet qu'il arrive à te faire, avec sa belle gueule. Tu te racles la gorge, parce que tu vas chanter en plus. C'est donc un privilégié. Tu accordes rapidement ta guitare, histoire que tes notes soient potables et tu te lances. Tu démarres avec une intro, bien sur, et au bout d'un moment, tu commences à chanter cette chanson que tu as composé spécialement pour Kieran. Tu as passé des mois dessus et tu es heureux de pouvoir finalement lui montrer. Tu chantes pendant trois bonnes minutes, et tu mets tout tes tripes dans cette chanson. Tu as tellement mis tout ton coeur dans sa composition que tu ne peux pas te foirer comme un rien sur l'interprétation. Tu as besoin de faire ressentir à Kieran tout ce que tu penses de lui ou, comme le dis la chanson, tout ce que tu aimes chez lui. A la fin de la chanson, tu trembles et tu transpires. T'as l'air d'un petit con, encore plus que d'habitude. Tu poses ta guitare et vient essuyer tes mains, moites, sur ton pantalon noir, avant de mordiller une nouvelle fois ta lèvre. Tu veux faire diversion, vite, pour oublier ce passage humiliant. Alors, sans réfléchir, tu passes à la deuxième surprise que tu lui as réservé, mais tu ignores laquelle te rends le plus nerveux. « Je.. Et si on allait dîner? Avant d'aller au cinéma? Comme des... Comme des amis, bien sur. »

Kieran commence à comprendre un peu ce qui dérange Spencer. C'est quelque chose dont lui-même n'aurait jamais eu conscience : pour lui, une famille est là pour s'entraider, se soutenir. Les problèmes doivent être réglés ensemble ; et si le reste du monde pose problème, alors il faut se serrer les coudes. Toutefois, Spencer ne pense pas pouvoir faire confiance à son père. Et ça, c'est grave. Mais à quoi peut bien ressembler la famille Keating ? Il n'est pas sûr de vouloir le savoir, tout compte fait. Ah, la situation aurait été beaucoup plus simple si Spencer était quelqu'un comme lui, qu'il n'y avait pas toutes ces attentes qui lui pesaient dessus. Pas de secrets à conserver. Pas de pression. Kieran serait presque prêt à accepter l'inévitable, à se dire qu'il ne sera jamais qu'un élément perturbateur dans la vie de son petit ami, quand celui-ci le surprend. Le tenant toujours serré contre lui, Kieran laisse le silence régner entre eux pendant quelques secondes, le temps de comprendre le sens de cette proposition. Puis pour y réfléchir. Il est conscient de l'effort que cela demande à Spencer. Surtout aussi rapidement, sans prendre la peine de tout prévoir à l'avance. Mais s'il est pris au dépourvu, ils sont tous les deux dans ce cas. Oh, et puis, c'est tellement adorable que Kieran finit par céder. « Alors je viens. Mais je dois me préparer psychologiquement avant ça, dis ? » Il le dit sur un ton à moitié plaisantin ; c'est une réelle inquiétude pour lui, car il ne peut absolument pas savoir ce qui va se passer. Mais comme il l'a dit : si Spencer est prêt à courir le risque, alors lui aussi. « Je me demande tout de même quelle tête ta famille va faire. » : fait-il remarquer d'un ton songeur. Parce que si leur première impression était mauvaise, leur avouer qu'il y avait un peu plus que de l'amitié entre eux ne serait pas gagné.

Tout à coup, Spencer l'entraîne à sa suite, et Kieran, perplexe, marche à ses côtés jusqu'à une pièce qu'il connaît, une pièce spécialement insonorisée pour sa pratique musicale - et où Kieran, bien sûr, s'est déjà rendu, l'appartement de Spencer ne lui réserve plus de réelle surprise. Non, la véritable surprise, c'est la chanson que Spencer lui a préparé, et qu'il lui présente en cet instant, avec la timidité propre aux premiers amours. Kieran écoute avec admiration. S'émerveille de tout ce que Spencer parvient à lui dire en quelques minutes, plus encore que toute discussion pourrait dire. Spencer est doué. Mais, quand il s'arrête, au lieu de le féliciter ou de le remercier, Kieran reste immobile, silencieux. La première chose qui s'échappe de ses lèvres est sans doute la plus clichée, la plus ridicule, celle qui a le moins de sens et qui ne vaut très certainement pas la déclaration de son homme, mais il ne peut la retenir, elle s'enfuit de lui d'elle-même. « Je t'aime, Spencer Keating. » Kieran est encore plus heureux de l'avoir à ses côtés, même si ce n'est pas pour toujours, même si ce n'est pas le cas aux yeux du monde. Spencer se sent peut-être gêné, il a peut-être l'impression de faire n'importe quoi, de ne pas être à la hauteur ou quoique ce soit, mais il semble oublier que Kieran ne le jugera jamais négativement pour ce genre de choses. C'est un aspect de la personnalité de son petit ami qu'il adore, au contraire, pourquoi devrait-il faire comme s'il y avait un problème ? « Ça me ferait très plaisir de sortir un peu. Avec toi. Même si ce n'est que comme un ami. » C'est sûr, il aurait sans doute du mal à se comporter de façon normale, mais ce qui compte aux yeux de Kieran, c'est la reconnaissance. Montrer au moins qu'ils se connaissent et se fréquentent, c'est déjà un premier pas. Kieran n'en demandera pas plus pour le moment, connaissant Spencer c'est déjà une énorme concession. Il n'aurait pas pu trouver mieux pour lui faire plaisir.

Quelle tête ta famille va faire? Tu l'ignores complètement. Mais tu a hâte de le découvrir. Simplement pour voir si ton père sait additionner deux et deux. Mais il serait assez stupide pour se persuader lui-même que Kieran n'est qu'un de tes amis. Il pensera peut-être que vous gratter les cordes ensemble. S'il savait ce que vous vous grattiez vraiment. Cette pensée te fait légèrement rire, mais tu n'en dis rien à Kieran. Tu te contentes de hocher doucement la tête lorsqu'il te demande s'il doit se préparer psychologiquement pour ça. Oui, il va en avoir sacrément besoin. Ta famille est tarée et vraiment anormale, alors c'est mal barré. Mais tu n'en dis rien. Parce qu'il pense juste que ta famille sera réticente au fait que tu puisses être homosexuel. Il ignore que ta soeur est un peu cinglé, qu'elle couche à droite et à gauche, qu'elle n'a pas des métiers forcément très valorisateur. Mais tu n'en dis rien. De toute façon, Wren n'en parlera surement pas, et encore, il faudrait qu'elle pointe le bout de son nez. Ta belle-mère, tu ne t'en soucies même plus. Tu ne sais plus quoi penser d'elle mais elle ne pense rien de toi, à part que t'es un petit couillon sans avenir. Mais tu as hâte de voir les réactions de ton père. Il risque tout de même de se poser des questions, et tu ne pourras que profiter de son incertitude, en te régalant pleinement du spectacle.

Mais vous voilà maintenant dans cette salle et tu viens de finir ton morceau de guitare. T'as essayé de changer de sujet, mais Kieran y est vite revenu. Et ses premières paroles te font alors sourire. « Et je t'aime aussi, Kieran Wakefield. » Un sourire étirait tes lèvres alors que tu te relevais doucement. Tu rejoignais vite ton petit ami et attrapait doucement sa main pour le tirer vers toi. Tu l'entoures au début de tes bras, avant de déposer un baiser contre le bout de son nez. Tu es tel un gamin vraiment niais lorsqu'il est là. Tu mordilles ta lèvre inférieur en détaillant son visage. Oui, tu es sur de vouloir le faire sortir ce soir. Tu veux montrer au monde entier qu'il t'appartient, même si ce n'est qu'à moitié. Le présenter en tant qu'ami, c'est déjà bien. Tu approches tes lèvres de son oreille et murmure donc. « Je vais juste me changer, pour mettre quelque chose d'un peu plus correct, et je suis tout à toi. » Après un dernier baiser, tu le quittes à contre coeur afin de rejoindre ta chambre. Tu pioches dans ton armoire. Ce n'est pas dur, tu n'as que des jeans noirs, t'en extirpes un et le jette sur le lit avant de t'attaquer au tee-shirt. Tu optes pour quelque chose d'uni, de noir, et tu files t'habiller. Bien sur, tu n'oublies pas de passer par la case déodorant et brossage de dents. Une fois prêt, tu t'admires une dernière fois avec un petit sourire. Tu rejoins ensuite ton petit ami, qui se baladait dans l'appartement. Tu passais derrière lui, glissant tes bras autour de sa taille en mordillant ta lèvre. « Je suis prêt.. »

Kieran se sent curieusement excité, tout à coup. Il a presque envie de se le répéter, encore, et encore, juste pour se prouver que ce n'est pas un rêve, qu'il est bien réveillé, qu'il ne se fait pas un film. Une sortie avec Spencer. Bien sûr, celui-ci a précisé que c'était une sortie entre amis, pas en amoureux, mais ce n'est pas grave car c'est déjà un progrès. Spencer admet ainsi ouvertement qu'il connaît Kieran, qu'il n'a pas peur de s'afficher avec un ami ouvertement homosexuel ; c'est déjà bien. Et puis, il s'est montré si adorable, comment pourrait-il protester de toute façon ? Kieran le laisse donc partir se changer, et se sent soudainement bien seul. Est-ce ainsi qu'il vit, habituellement ? Dans le même silence, à évoluer dans cette atmosphère pensante, avec un manque constant ? Quelle torture s'inflige-t-il juste parce qu'il veut être reconnu comme le petit ami officiel de Spencer ? Sans doute en fait-il beaucoup trop. Quel fou il fait, Kieran. A se priver ainsi, à ne pas savoir profiter de ce qu'il a déjà. Pour s'occuper un peu, il sort pour faire un petit tour à travers l'appartement. Il s'y sent comme chez lui, au fond.

Spencer est de retour, et Kieran lui jette un coup d'œil appréciateur. Bien sûr, lui n'a pas vraiment l'occasion de se changer, mais cela ne le dérange pas. Il s'est habillé ainsi parce qu'il avait prévu de passer la soirée avec Spencer, elle est donc parfaitement digne de s'afficher à ses côtés. « Tu es parfait, comme ça. » : commente-t-il avec une admiration réelle, se retenant de tendre la main pour tordre la lisseur immaculée de son T-shirt. Au lieu de cela, il s'approche de la porte de l'appartement, attendant que Spencer l'ouvre, même s'il pourrait le faire lui-même - il en serait capable, et ne s'offusquerait pas si Spencer se conduisait de même chez lui. « Où est-ce que tu comptes m'emmener ? Il ne doit pas être loin de neuf heures, pas mal de restaurants devraient être pleins à cette heure, non ? » En tout cas, les adresses que Kieran connaît. Mais il fait confiance à Spencer sur ce point : parfois, il y a du bon, à vivre dans deux mondes différents, car dans des instants pareils, les deux mondes se rejoignent. Est-ce cela, d'aimer quelqu'un ? De voir son univers étroit s'agrandir tout à coup, de ne plus penser à seulement ce que l'on connaît, ce que l'on aime, mais penser à l'autre également ? « J'ai envie de te tenir la main. » : avoue-t-il quand ils se retrouvent sur le seuil, et Kieran serre le poing pour se retenir, même si l'aveu échappe malgré tout à sa vigilance. Ridicule. C'est un signe clair d'amour, il n'y a donc aucune chance que Spencer le veuille bien, et cela le rend soudainement triste. Ce soir, ils ne seront qu'amis - il devra se contenter de cela.

Mais c'est peut-être déjà pas mal, après tout.