L'ensorcelée

- Quels sont les souvenirs marquants de ton enfance ? Les doigts qui se pointent vers le corps de la demoiselle atrophiée, les rire jaillissent des gorges des camarades tandis que la faible proie galope vers l'abri clos des toilettes. Premier jour de collège et début du supplice. ~ Le client assoupi sur le canapé, les papiers froissés dans la main de la gosse froncée. Le téléphone remue, tremblant, la voix s'égratigne puis accourt les justiciers. Les menottes aux poignets pour la faute commise, la mère allongée sur le lit baigné d'hémoglobine. Mischa ayant eu le courage d'alerter la monstruosité, témoin de la violence d'un homme sur le corps ravagé de la femme amoureuse. ~ Une vieillesse admirée par la grand-mère contant des féeries apaisante. Elle se souvient des repas d'amertume, de joyeuseté.

- Et maintenant, que deviens-tu ? Lycéenne, elle a réussi jusque là, avec effort, avec intelligence l'enfant des cieux a dessiné un passage sur ses cahiers, elle a croqué des litanies de merveilles aux formules magiques placebo. Aujourd'hui la fée serre encore peureusement son sac, respire un bon coup lorsqu'elle parvient à entrer sans larme s’asseoir sur les bancs des salles de classe. Le souvenir des méchantes reste omniprésent, elle chasse les néfastes par des livres qu'elle feuillette, là sous la table, première de ses camarades, elle ne se vante pas, elle part. Elle apprécie le semblant de paix, seule néanmoins, elle rêve d'amies fidèles sage illusion pour celle repliée lorsqu'on vient lui parler.

- A ton avis, qu'est-ce que les gens pensent à ton sujet ? L'anonyme petite fille, elle baisse la tête les joues rosies par la honte de se montrer, admire le sol de ses voluptés salés que les pieds des bedeaux foulent rapidement le gousset dans leur poche trouée. Elle ne sait pas ce que les gens pensent d'elle, n'aime pas s'imaginer car alors la peur l'emprisonne dans son étau mortuaire, le coeur sonne des gels de sanglot, elle se dit dans son lit, murmure lointain d'une tristesse innommable que la disparition joyeuse pourrait être la rédemption des péchés, vieux échos vibrant dans les pensées.

- Quel est ton plus grand rêve ? Le chérubin désire les caresses d'un certain homme, les baiser sur ses lèvres ; des songes nuages qui l'envahisse lorsqu'elle s'assoupit, l'enfant du ciel souhaite de l'amour, des mots doux. Des rêves plein la tête mais le principal s'évapore dans les limbes de la multitude tandis qu'elle chuchote des prières. D'un métier peut-être elle n'en reçoit que l'avenir d'or, fumé dans les ténèbres de son inconfiance, de sa méfiance, incertitude meurtrière. Mais les images s'envolent, être écrivain, juste... réussir à parvenir à distiller quelques notes sur des feuilles blanches, créer un monde, des univers pour faire rêver les passants.

- Quel est LE secret que tu caches ? D'un trésor caché sous le parquet, la planche grince du méfait. Elle a vu, brillant sur l'étagère, l'ouvrage délicat de la pléiade, plusieurs pages échouées dans son cartable, elle a récolté dans sa jarre le relié de cuir. Plusieurs fois, une fois par semaine, discrète petite, plusieurs fois, sans se faire prendre, elle a aiguisé son épée d'invisibilité passant entre les mailles du filet. L'adrénaline pulsant dans veines moirées d'agilité, Mischa possède maintenant une collection de rares oeuvres dont elle prend soin. Des marques pages pour les passages choyés, elle a rangé les objets empruntés dans une boite à Pandore, à malice, à merveille.

- L'argent, le succès, la célébrité, ça représente quoi pour toi ? Le néant de son âme, célébrité fouette l'angoisse, l'argent dilapide les principes, le succès fige la gracile. Elle secoue la tête pas pour moi dit-elle, moi je préfère vivre dans la crasse, des livres à mes côtés c'est ce qui m'importe c'est tout, elle dira d'une voix jouvencelle mêlée à l'envie de se recouvrir du voile de l'humilité. Le silence comme réconfort, comme valeur de vie, petite souris qui favorise la volupté des réflexions plutôt que la richesses croulants, vomissante de certaines camarades de classe. Non dit elle, elle secoue la tête, se terre dans sa carapace.

Essayer de cuisiner une tarte au citron meringuée (pour ça acheter un nouveau four électrique) - Lire Sur la route de Kerouac puis gribouiller sur son carnet des opinions invisibles - Parler à son voisin de table, tenter de lui arracher une confidence - S'entraîner sur les dessins, les corps nus qu'elle manipule esthétiquement, bizarrement - Discuter avec lui, celui qui hante ses rêves, sauveur d'une journée mais sauveur d'éternité. - Aller au cinéma avec sa mère, quel serait le sentiment tendre pour ce moment ? - Se renseigner déjà sur les facs - Acheter des fleurs, nourrir ses plantes - Lire Thérèse Desqueyroux - Se stopper d'acheter des livres, déjà une pile à lire remplie, arrêter tout simplement de traîner dans le quartier de la librairie - Devenir moins timide - Embrasser un garçon par curiosité - Ne plus écouter les conversations des autres.