Unwritten (Grace)

(un) Elle a fait de la danse classique pendant quatorze ans et même si elle n'en a jamais parlé à sa mère, sachant qu'elle lui rirait au nez, elle voulait faire des études à la Juilliard school de New-York. Parce que d'après son professeur, elle était réellement douée, elle avait réussi à avoir une audition là-bas et ce n'est pas donné à tout le monde. Son père l'a dissuadé de s'y rendre afin qu'elle se consacre à des choses beaucoup plus importantes. (deux) enfance bercée par la concurrence des filles St James, faire partie de leur entourage, c'est les voir se battre sans arrêt pour savoir qui est la meilleure, encore aujourd'hui. Les deux aînées avocates ont appris à se serrer les coudes, les deux suivantes médecins en ont fait de même. Et puis, il y a la petite dernière, celle qui n'est jamais parvenue à rien, sinon être dans l'ombre de ses aînées qui, sourires carnassiers dessinés sur leurs lèvres n'ont jamais fait que l'entasser à la place de lui tendre la main. C'est compliqué la vie de riche, lorsque les parents sont aussi exigeants. (trois) plus jeune, elle aimait voyager, découvrir, apprendre un peu plus à chaque fois. Et puis ses parents l'ont rappelée à l'ordre et elle a été envoyée à Harvard. Trois ans de vacances non-stop après le lycée, la découverte de l'Europe dont elle est tombée amoureuse. Paris, Venise, Milan, Corfu, Barcelone, Londres, Dublin, Berlin et tant d'autres. De toutes, Athènes est sa préférée, parce qu'elle s'est amourachée d'elle, de ses habitants, d'un en particulier, celui qu'elle n'a jamais été capable d'oublier. (quatre) Agis lui a fait découvrir la Grèce et bien plus encore ; petite fille pourrie gâtée aux parents absents, aux sœurs envieuses et aux amis traîtres, sans doute n'avait-elle jamais compris ce qu'était réellement l'amour. Sans doute était-il aveuglé, lui aussi, pour suivre Grace jusqu'au bout du monde, jusqu'en Amérique où il a repris ses études avec elle. Et puis, quand ils sont sortis diplômés d'Harvard, que c'est devenu sérieux, il a disparu, après un bref entretient avec les parents St James. Elle leur en veut toujours de l'avoir fait fuir. (cinq) Elle a fini par épouser un ami d'enfance, mais le mariage n'a pas tenu longtemps ; le temps d'assurer une descendance qu'il ne regarde même plus. Conquêtes enchaînées, mari jeté à la poubelle comme du papier froissé. Sans doute son égo n'a-t-il pas supporté. (six) la première liaison de son époux était avec la nourrice. Boucles d'oreilles volées, dit-on et on ne remet pas en question la parole d'une personne aussi intègre que Grace. Pauvre femme emprisonnée à tort et pourtant ce n'est pas une chose qui empêche Grace de dormir. Pas encore, parce qu'elle sait que le moment où elle finira par culpabiliser viendra. Elle finit toujours pas culpabiliser de toute façon, mais jamais elle ne le montre, elle se l'interdit. De toute façon, avec un métier comme le sien, elle n'a pas intérêt. (sept) Mère extrêmement protectrice envers ses enfants qui sont les seuls à voir son bon côté, celui qu'on ignore. Grace la douce, la patiente, la joueuse. Elle se refuse d'éduquer ses enfants aussi sévèrement que l'a fait sa propre mère. La tendresse des moments passés dans le salon, des moments au bord de la piscine ou dans la chambre. Si elle prend congé de temps en temps, c'est uniquement pour eux, parce qu'elle sait qu'ils en ont besoin. (huit) "Les gens comme nous ne font pas d'erreurs". Le dicton de ses parents qui revient sans arrêt en mémoire dès qu'elle fait un pas de travers, qu'elle s'apprête à en faire un. Tout claquer et s'en aller, retrouver l'Europe et peut-être chercher la trace d'Agis, voilà qui la tente de plus en plus. (neuf) harcelait une jeune boursière au lycée. Enfant privilégiée, elle a longuement cherché à comprendre pourquoi une école aussi élitiste cherchait à mélanger ses élèves avec la basse classe. Tentative de suicide ratée, l'histoire de la boursière a été étouffée par ses parents. Culpabilité, encore et toujours ; elle est restée à son chevet des journées entières, priant pour qu'elle lui pardonne. Parce que Grace, c'est le jour et la nuit, capable de passer du monstre à la presque-humaine. Elle fait encore des efforts pour parvenir à être humaine tout court. (dix) Elle a tout de même des principes. L'un d'entre eux était de ne jamais toucher à Jon. De toute façon, elle n'y avait jamais pensé, ça ne lui avait jamais ne serait-ce que traversé l'esprit. Et puis il y a eu cette soirée où elle attendait Vicky. Un verre de vin, des plaisanteries entre deux vieux amis et ça a rapidement dérapé. Parce qu'il est un coureur de jupons et qu'elle avait besoin de se sentir exister. Mauvais timing, mauvaise personne. Elle regrette amèrement.